13 mai 2025
Selon le gouvernement du Canada, pas moins de trois millions de Canadiens vivent dans un autre pays. La plupart y sont pour faire des études, effectuer un travail ou y passer quelques mois par année au moment de la retraite, tout en demeurant résidents canadiens.
D’autres, cependant, choisissent de s’y installer définitivement en devenant résidents permanents – voire citoyens – de l’autre pays. Il leur faut alors tenir compte de plusieurs facteurs, notamment en matière d’impôt, et c’est pourquoi il est fortement recommandé d’obtenir des conseils professionnels lorsqu’on envisage de faire ce choix.
Voici cependant un survol des règles de base.
Qu’est-ce qu’un non-résident du Canada?
Aux fins de l’impôt, vous serez généralement reconnu comme non-résident si vous avez rompu tous vos liens de résidence avec le Canada. Le principe est assez simple, comme l’illustre le tableau ci-dessous, mais il faut savoir que le gouvernement considérera plusieurs facteurs avant de reconnaître votre statut.
Parmi ceux-ci, on retrouve le fait que vous demeuriez propriétaire ou locataire d’un logement au Canada, l’endroit où est établi votre conjoint et vos personnes à charge, les liens économiques et sociaux que vous conservez avec le Canada (votre emploi, vos comptes financiers, vos activités sportives et sociales); vos biens personnels au Canada (meubles, vêtements, automobile, etc.); et tout autre lien comme votre couverture d’assurance-maladie ou votre permis de conduire.
En d’autres mots, pour être non-résident canadien, vous devrez vraiment avoir coupé les ponts. À défaut, le gouvernement pourrait vous attribuer plutôt le statut de double résident, de résident de fait ou de résident réputé, chacun venant avec des incidences fiscales différentes.
Qu’est-ce que cela change?
Être reconnu non-résident du Canada affectera en tout premier lieu deux grands volets de vos finances personnelles : vos impôts et votre succession.
Du point de vue de l’impôt, vous devrez acquitter un impôt de départ. En effet, le gouvernement considérera que vous avez disposé de tous vos biens au Canada à leur juste valeur marchande – ce qui s’appelle une « disposition réputée ». Vous devrez donc payer un impôt basé sur les gains en capital réalisés. Il existe des exceptions à cette règle, notamment pour ce qui est des comptes enregistrés (régime enregistré d’épargne-retraite, fonds enregistré de revenu de retraite, etc.), des régimes de pension agréés, des rentes et de la maison principale si elle est vendue avant le départ. Cependant, si vous avez beaucoup de placements non enregistrés, ou encore une résidence secondaire qui a gagné en valeur, la note d’impôt pourrait être salée.
Ensuite, chaque année, vos revenus de source canadienne continueront d’être imposés au Canada et seront soumis à une retenue d’impôt de 25 %, alors que vos revenus hors Canada seront généralement imposés dans votre pays de résidence. Cependant, selon la nature de vos placements et le pays de résidence, il y a ici un risque de double imposition : il est important d’être bien conseillé pour l’atténuer ou l’éviter. À l’inverse, plusieurs pays ont conclu des ententes avec le Canada pour éviter de désavantager les non-résidents. Selon le pays, celles-ci pourraient réduire de beaucoup la retenue d’impôt, voire vous en exempter sur au moins une partie de vos revenus.
Au décès
Le règlement d’une succession « ordinaire » est une opération déjà passablement longue et compliquée. Celle d’un non-résident peut évidemment l’être encore davantage. À la législation de quel pays votre succession sera-t-elle soumise : le Canada, votre pays de résidence, les deux? Les dispositions de votre testament seront-elles reconnues par votre pays de résidence? La réponse à cette question pourrait varier selon le pays et surtout avoir des répercussions importantes pour vos héritiers. En outre, il faut savoir que, s’il n’y a pas d’impôt sur les successions au Canada (c’est la personne décédée qui est imposée), un tel impôt est en vigueur dans plusieurs pays. Lors du décès d’un résident fiscal français, par exemple, l’État français pourrait exiger un impôt successoral sur l’ensemble du patrimoine mondial de cette personne, avant toute distribution aux héritiers.
Autre aspect à considérer : la succession elle-même, qui regroupe tous vos biens avant leur distribution selon votre volonté, est une entité en soi qui est généralement réputée être résidente du même pays que le liquidateur de la succession. Imaginons par exemple que vous êtes devenu résident du Portugal, que votre fils vit encore au Canada, mais que votre fille, que vous avez désignée liquidatrice de votre succession, réside aux États-Unis : ce sont les lois de ce pays qui pourraient s’appliquer à la succession elle-même.
Compliqué? Ça peut le devenir, en effet. Il pourrait donc être dans votre intérêt de faire réviser votre testament actuel par un notaire familier avec ce genre de situation, voire faire rédiger un testament dans chaque pays – et surtout d’obtenir des conseils fiables en matière de droit de la succession et de fiscalité.
D’autres aspects à considérer
Au-delà des questions d’impôt ou de succession, le gouvernement canadien recommande à toute personne qui envisage de devenir non-résidente de considérer tous les facteurs liés à ce changement de vie : l’acclimatation à une nouvelle culture, la sécurité, l’accès aux services, le droit et les lois en vigueur, le risque de change lié aux devises, et bien d’autres.
Il pourrait être tout aussi pertinent de revoir les autres volets de votre planification financière, puisque ce choix pourrait avoir un effet important, par exemple, sur vos besoins en assurance ou sur vos projections de retraite.
Bref, tout en rêvant à votre nouvelle vie, n’oubliez pas de rechercher de bons conseils.
Les sources suivantes ont été utilisées dans la rédaction de cet article.
Citizen Abroad Tax Advisors, « Frequently asked questions by travelers ».
Conseiller.ca, « Prendre sa retraite à l’étranger : ce qu’il faut savoir ».
Fiduciary Trust Canada, « Les défis des liquidateurs transfrontaliers ».
Gouvernement du Canada, « Vivre à l’étranger – Guide à l’intention des travailleurs, étudiants, bénévoles et retraités canadiens à l’étranger » ; « Non-résidents du Canada » ; « Les non-résidents et l'impôt 2024 ».
Intuit TurboImpôt, « Les non-résidents et l’impôt ».
Madan, « L’impôt sur les droits de succession des étrangers au Canada ».
Raymond Chabot Grant Thornton, « Quitter le Canada: évitez les mauvaises surprises fiscales » ; « Quelles sont les obligations fiscales lors du décès d’un non-résident? ».
Servitax, « Vous vendez votre propriété au Canada en tant que non-résident ? Voici ce que vous devez savoir ».
DFSIN, « Lorsqu’on prend sa retraite à l’étranger, à qui paie-t-on son impôt? ».
Wise, « L'impôt sur les successions en France : un guide complet ».